J’écris ?

Je ne sais pas ce que c’est, écrire.

Écrire, c’est peut-être aligner des signes, tracer des formes rondes ou anguleuses, à l’aide de ma main, de mes doigts. Avec un stylo. J’aime le côté artisanal, ancestral du stylo. Avec un clavier. J’aime l’énergie des touches. J’aurais voulu apprendre le piano. La musique est plus belle.

Écrire, c’est mettre de l’épaisseur sur une surface plane. C’est l’histoire des petits papiers japonais que l’on plonge dans l’eau et qui se déploient, se gonflent, se transforment pour laisser apparaître quoi ? L’éternité. C’est aussi aplanir les kystes de l’existence.

Écrire, c’est rentrer dans la préhension du monde : tendre la main et toucher. Mettre en bouche. Bienvenue en moi, monde.

Écrire, c’est organiser le tout. Non, c’est le désorganiser. Je ne sais pas. Une façon d’emmagasiner et quoi ? Qu’est-ce que je fais avec ce magma ? Ecrire, c’est une ébauche de réponses.

Écrire, c’est accepter. Ou accepter de refuser.

Écrire, c’est vomir, se libérer, se libertiner, se reposer, se mouvoir, danser, s’asseoir et regarder, se perdre, pleurer, ne pas pleurer, marcher pieds nus dans l’herbe, c’est faire l’amour dans un champ dans la boue la nuit.

On ne sait jamais vraiment ce qu’est écrire. On peut savoir un peu ce que c’est, pour nous, écrire. On peut savoir ce qui se passe en nous quand on écrit. On peut réfléchir au pourquoi de notre écriture. On peut tenter de définir le comment. Mais écrire, qu’est-ce que c’est ? Je ne sais pas. Pas tout à fait enfin.

Je sais où se trouve mon écriture dans mon corps. Je veux dire : dans quelle zone de mon corps. Écrire se trouve dans mes viscères, mes entrailles, mon sang, les organes de mon ventre. Il y a une palpitation, là, le mouvement des cellules charriées par mes veines.

Écrire ça transpire

Écrire c’est dictionnaire

Écrire c’est perdre pied

C’est moins mourir quand ça sonne

Ricocher renifler

C’est déterrer les morts enterrer les vivants et tirer les cheveux des enfants

Texte paru dans AURA 112, printemps 2022. Thème : Ecriture.

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